Un élément structurel essentiel des mécanismes de harcèlement est la manière dont, dans une école, existe une culture de la distance entre les élèves et les professionnels. Même s’il y a de nombreuses exceptions, la tendance générale de l’école est en effet d’amener à une sorte de « fossé relationnel » entre les jeunes d’un côté et les multiples profils d’adultes qui s’adressent à eux.
C’est le premier point de cette longue liste. De nombreux adultes, en particulier des enseignants, pensent que leur rôle nécessite de « mettre une distance » entre les élèves et eux. Il s’agit de ne pas faire « ami-ami », d’éviter les conversation trop familières ou intimes.
S’il est important de cultiver les bonnes postures éducatives (pour plus d’infos cliquer ici), nous pensons à l’inverse qu’il est important d’assumer la dimension relationnelle avec les élèves, ce qui suppose de parler d’éléments émotionnels et affectifs. Lorsque ce n’est pas le cas, les élèves qui sont en attente relationnelle par rapport aux adultes en concluent bien souvent qu’il ne sert à rien de nous parler de cette dimension-là de leur vie. Or, les vécus de harcèlement en font partie.
Une seconde source de distance réside dans la posture de l’évaluateur qui participe du rôle d’enseignant et qui fait de ce dernier une source de danger pour l’élève. Très souvent, les élèves ont le sentiment que tout ce qu’ils disent aux enseignants peut un jour se retourner contre eux si la relation tourne mal. Parmi d’autres critères (voir ci-dessous), cela les amène à être prudent lorsqu’il s’agit de parler de choses sensibles.
La manière dont beaucoup d’école gèrent la discipline accentue encore ce sentiment que les adultes sont une communauté distincte dont il faut se méfier. Dans trop d’écoles en effet, lorsqu’un conflit éclate entre un élève et un adulte, c’est le second qui a raison « par définition ». La conséquence est que les jeunes comprennent qu’on ne peut pas faire confiance aux adultes puisqu’ils ne gèrent pas les conflits avec écoute et intégrité.
Cette façon de se présenter comme une communauté potentiellement dangereuse culmine dans la façon dont les conseils de classe sont trop souvent organisés. Dans la plupart des écoles en effet, les conseils de classe ne disposent que de trop peu de temps. C’est ce qui fait qu’on n’y prend pas le temps de vraiment parler des éléments positifs des élèves. L’urgence, c’est de gérer les problèmes, voire de ne gérer que les élèves à problèmes. En plus de cela, lorsqu’un élève pose un problème en classe, les adultes sont là pour en parler au conseil de classe, mais lui n’est pas là pour se défendre. La conséquence est que, tendanciellement, beaucoup de conseils de classe se retrouvent à "grossir le trait" au moment de parler des difficultés que posent certains élèves. Si l’on met tous ces éléments ensemble, on se rend compte que les conseils de classe sont des endroits dans lesquels on parle des élèves, essentiellement en négatif, en leur absence et en ayant tendance à grossir le trait. Ce qui est fou, c’est que cette situation est vraie même lorsque les adultes sont de très bonne volonté et, dans leurs attitudes, extrêmement bienveillants. Lorsque ce n’est pas le cas, le mécanisme fait des dégâts encore plus importants.
En outre, ces dégât sont accentués par le fait que, bien souvent les conseils de classe sont vécus comme des endroits où les adultes doivent être solidaires, non seulement de la décision, mais aussi des commentaires et conclusions. Lorsque les élèves en reçoivent les informations, elles leur sont présentées comme l’avis unanime d’une communauté et, même si certains adultes se désolidarisent en trahissant par-ci par là le secret des débats, les jeunes comprennent bien la logique communautaire sous-jacente aux conseils de classes: les adultes sont d’accord entre eux, non pas parce qu’ils ont raison, mais parce qu'ils sont une communauté distincte qui est invitée à être solidaire.
Les conseils de classe sont un exemple accentué, mais il n’est pas nécessaire qu’ils prennent place pour que les adultes de l’équipe ne succombent à cette tentation : parler des élèves, en leur absence et en négatif. Ainsi, chaque fois qu’un élève ou une classe comprend qu’on a mal parlé de lui/d’elle en son absence et que cela a pour conséquence d’abimer son image, se renforce alors ce sentiment que les professionnels de l’équipe ne sont pas bienveillants à leur égard.
Dans certains cas, cette manière de parler des élèves en négatif et dans leur dos est encore plus dommageable. Il s’agit de toutes les fois où les jeunes se sont en fait confiés aux adultes, de toutes les fois où ils leurs ont livré une partie de leur intimité en leur faisant confiance, en pensant implicitement qu’ils en étaient dignes.
C’est un élément supplémentaire de la manière dont les professionnels d’une école peuvent incarner une source de danger pour les élèves. La manière dont ils vont gérer la relation aux parents.
Le premier élément de la relation aux parents est la remarque dans le journal de classe qui, trop souvent, est utilisée presqu’essentiellement pour parler d’éléments négatifs. La conséquence est assez directe et flagrante: les élèves ne le prennent pas comme un indicateur de bienveillance.
Le second élément est l’appel aux parents qui, encore régulièrement, n’est pas précédé d’une discussion avec l'élève. La conséquence est que ce dernier le prend comme une trahison, un coup dans le dos qui vient accentuer la sensation de danger.
Le troisième éléments est la réunion avec les parents qui, de nouveau, est plus souvent utilisée pour les élèves à problèmes que pour ceux qui vont bien, qui bien souvent est utilisée pour parler des problèmes plutôt que de ce qui va bien.
Pour pallier ce processus de distance entre élèves et adultes des écoles, nous proposons la pratique de l'évaluation comportementale transversale et la valorisation qui va avec. Cette pratique est notamment encouragée par l'usage d'un outil en ligne appelé "Valio". Pour plus d'informations, clique ici.