Dans un travail de groupe avec Photolangage, il est demandé aux participants, à partir d’une question spécifique posée à chacun et nécessitant un choix personnel d’une ou plusieurs photographies, d’essayer d’exprimer devant le groupe certains aspects de leur expérience personnelle.
La photographie est alors un objet médiateur permettant d’ancrer dans une situation évoquée et devenue commune à l’ensemble des participants du groupe, des échanges au niveau des positionnements personnels. L’expression personnelle, l’écoute attentive et le langage photographique sont ainsi trois dimensions complémentaires qui spécifient la méthode Photolangage.
La visée d’une expression de la part de chaque participant, faisant suite à un travail intérieur personnel, est centrale dans la méthode Photolangage. C’est à la fois la condition pour que les objectifs puissent être atteints et aussi le principal critère pour décider si la méthode est adéquate, convient pour une formation donnée.
En effet, le travail avec les photographies, s’il est fait de façon uniquement collective et sans un temps de recul et de travail personnel de la part de chaque participant, ne générera que clichés, stéréotypes et déjà dits. Aussi, le chemin d’une expression personnelle dans un travail Photolangage passe d’abord par une présentation de la méthode de façon à permettre à chacun d’intégrer les objectifs. C’est ensuite un travail personnel pendant le deuxième temps (choix individuel) de la méthode, travail qui suppose compréhension de la tâche à faire, concentration, et possibilité d’interagir librement avec les photographies sans être gêné par des commentaires plus ou moins défensifs de la part des autres participants.
Dans un travail de groupe, la parole n’est pas accessible à tous de la même façon. Ce qui ressort dans l’usage du Photolangage, c’est la relative mise à l’écart des statuts et rôles que la photographie introduit pour s’exprimer personnellement. Les matériaux figuratifs sont évocateurs autant, sinon plus, pour des personnes peu habituées de par leur métier et leur milieu professionnel à prendre la parole en groupe, que pour des personnes dont c’est le métier de parler et de travailler en groupe. Ici, c’est d’abord la richesse de la résonance intérieure de chacun qui donne compétence à dire.
Ainsi, lorsqu’il s’agit de démarrer un thème, d’aborder les représentations avant une formation plus technique ou de faire une évaluation, Photolangage facilite une prise de parole personnelle par chacun. Mais il est important qu’alors l’objectif ne soit pas de parvenir à un accord de tous les membres du groupe sur la question posée, mais plutôt de permettre à chacun de s’exprimer, et d’être entendu, sur la façon dont il conçoit les choses. En d’autres termes, cette méthode est peu adaptée à la recherche d’un consensus sur un thème donné. Elle permet au contraire le déploiement des points de vue et positionnements de chacun.
La contrepartie d’une expression personnelle est l’existence d’un lieu d’écoute. Chacun s’exprime pour être entendu. Mais écouter, être disponible, se concentrer sur la -parole de l’autre ne va pas de soi. « Écouter quelqu’un, c’est l’inviter à l’incessant voyage qui le fait sortir de lui-même pour se loger dans ce qu’il croit être pour l’autre (son savoir) avant de le faire revenir en lui-même, pour se loger à nouveau dans le lieu d’où qu’il parte, irréductible source de son savoir. »
L’écoute est une capacité-compétence longue et difficile à acquérir. Elle est néanmoins indispensable pour l’animateur-formateur de façon générale et, plus particulièrement, pour un travail de Photolangage.
Le travail de l’animateur va consister à faire en sorte que celui ou celle qui s’exprime puisse être entendu et puisse avoir conscience de l’écoute des autres participants. Les photographies présentes pourront devenir des points de repère et de concentration permettant éventuellement de recentrer ce qui se dit et de développer l’attention. Par écoute, nous comprenons non seulement une attention portée à la personne qui s’exprime, mais surtout cette capacité à entendre l’autre, là où il est, et où il s’exprime, et à être modifié par cette parole entendue. La tâche de l’animateur-formateur va consister entre autres à développer cette capacité dans le groupe.
Aussi n’est-il pas opportun, par exemple, de partir d’une grille pour classer ce qui va se dire, parce que, précisément, il s’agit d’interroger et de repérer dans le groupe des éléments, des paroles, des expériences personnelles. Il est bien sûr possible de prévoir que certains thèmes seront abordés. mais cela n'a que peu d’intérêt. Car ici, le positionnement de chacun, au centre des échanges, est impossible à prévoir, a priori, sans un travail de groupe. Si l’objectif est d’abord un recueil d’informations, le questionnaire écrit ou le brainstorming sont alors peut-être plus adéquats qu’un travail avec Photolangage.
Sauf cas particulier qui aura été négocié avec le groupe, la prise de notes par l’animateur-formateur pendant les échanges est déconseillée. Celui-ci a toujours la possibilité, s’il souhaite avoir des traces, d’organiser son temps pour prendre des notes après le travail du groupe.
Les difficultés du travail en groupe sont suffisamment connues qu’il n’y ait pas lieu de les développer ici. Que ce soit pour démarrer un groupe, une formation, une réflexion sur un thème précis, pour éviter les débats stériles au cours des échanges ou pour permettre à tous de pouvoir participer, l’animateur-formateur doit quasiment faire appel à des méthodes et des outils spécifiques.
La photographie est aujourd’hui un langage qui renouvelle le regard et la parole. A travers les modes et les styles photographiques quels qu’ils soient, chacun est convié à voir ce qui ne se laisse pas voir autrement, ce qui s’y inscrit par-delà l’auteur et renvoie ce qui lui regarde à lui-même. La photographie est en quelque sorte une contrainte de voir ce qui sans cela demeurerait invisible.
La méthode "Photolangage", par le matériel visuel qui est présent et l’organisation de la tâche, facilite chez les participants d’un groupe à la fois le travail psychique d’élaboration interne -et la prise de parole. La photographie devient ici introduction, porte d’entrée, au fonctionnement de la pensée et le fonctionnement de la pensée est aussi le véritable sujet qui ramène aux images. Les photographies proposées suscitent un travail psychique d’association, d’appréciation, d’interprétation, de souvenir, de compréhension, de liaison à partir des éléments figuratifs et un positionnement dans le groupe par la parole et l’engagement conséquent.
La facilitation vient aussi de ce que chacun a quelque chose entre les mains, une, deux ou trois photographies, sur lesquelles il pourra s’exprimer. L’objet-photographie reste présent, même lorsque le participant a terminé son intervention et constitue un rappel permanent de ce qui a pu être dit. Les éléments de la photographie servent de points d’ancrage concrets pour les échanges. Cela autorise d’une certaine façon les personnes à donner une attention plus grande aux dimensions imaginaires et symboliques de leur discours. Les fantasmes s’expriment plus facilement, à la fois parce qu’il s’agit d’images et parce qu’il y a un cadre de travail.