Dans nos relations quotidiennes, la place d’Internet est aujourd’hui incontournable. Nos relations avec nos proches dépassent de loin les temps partagés ensemble à la maison.
En plus, les nouveaux médias nous permettent d’entretenir de nombreuses relations qui ne sont plus que « virtuelles ». De manière corrélée, la toile est le théâtre de nombreuses violences dans les échanges, certains de ces échanges tournant carrément au harcèlement violent.
Comment, dans l’école, réagir à ces incivilités qui interfèrent souvent dans les relations entre élèves tout en apparaissant comme « étrangères » au quotidien habituel des établissements ? Comment surtout réparer ces situations de manière à ce que les élèves retrouvent des relations harmonieuses ?
Comme pour les autres incivilités, la démarche consiste à réfléchir à ce qui a été abîmé afin de le réparer. Concrètement, cela peut prendre les formes suivantes :
La première caractéristique des incivilités qui prennent place sur la toile, c’est de nécessiter plus de moyens pour établir les faits. Si les violences sont passées par des textos, des chats, des photos sur Instagram ou des échanges sur Facebook, elles nécessiteront plus de temps et d’engagement de la part de l’adulte en recherche de solution. C’est ce qui fait que beaucoup de ces incivilités sont relativement mal gérées. C’est ce qui fait également qu’il est important de ne pas sous-estimer le temps nécessaire à cette opération. En posant des questions aux élèves, en vérifiant leurs dires, en compilant les informations objectives (impressions de conversations…), on se donne les moyens de faire émerger les solutions. Tout comme pour la justice en général, cette démarche a tendance à accorder plus d’importance aux informations écrites par rapport aux témoignages oraux, un « ta gueule » que l’on dit ayant moins d’impact qu’un autre qui est écrit. Il faut en être conscient, mais aussi apprendre aux élèves à tenir compte de cette donnée nouvelle de notre société.
La seconde difficulté des situations « virtuelles », c’est qu’elles rendent la frontière de l’école nettement moins hermétique. Beaucoup plus vite que pour une autre situation, il y aura, parmi les personnes impliquées, des jeunes qui n’ont rien à voir avec l’école. Cette situation peut rendre certains réparations plus difficile, du fait que l’école n’a pas à faire réparer avec des personnes qui lui sont étrangères. Il faudra par conséquent imaginer les meilleures manières de procéder avec les acteurs qui ont la double caractéristique d’être en présence et impliqués. En même temps, il ne faut jamais non plus oublier que, pour leur grande majorité, les incivilités par médias interposés sont le prolongement de relations habituelles des jeunes entre eux.
Comme les relations virtuelles sont toujours le prolongement de relations réelles, l’important est de comprendre lesquelles ont été abîmées et sont par conséquent à réparer. Si c’est une amitié qui est en jeu, c’est cette amitié que l’on cherchera à rétablir. Si c’est la place de quelqu’un dans le groupe, on visera sa réintégration. Si c’est d’image dont il est question, ce sont les images qui seront au centre de l’attention.
Encore plus que d’autres, les agressions virtuelles nécessitent un travail permettant la prise de conscience des élèves. Comme les phénomènes sont nouveaux, comme les jeunes et moins jeunes ont peu de recul, le travail de réflexion sur les enjeux est ici encore plus important. C’est pour cette raison qu’il est ici encore plus pertinent que la réparation prenne la forme d’une présentation. Par le biais d’un panneau, d’un sketch, d’un article sur le net ou encore d’une petite vidéo, il est possible de demander aux jeunes de partager avec d’autres les fruits de leur expérience et de leurs réflexions.
C’est ce qui fait également que le travail pour faire prendre conscience est dans ce cas encore plus incontournable. C’est ce qui fait également que les réparations liées aux échanges virtuels sont d’intéressantes opportunités d’élargir la réflexion en prenant du temps dans les cours (voir fiche sur la leçon virtuelle).
Dernière phase de la réparation, la réhabilitation a de nouveau quelque chose de particulier lorsqu’il s’agit d’incivilités virtuelles. Il s’agit de s’appuyer sur les actes et les relations dans l’école pour réparer des comportements qui, parce que liés aux nouveaux médias, ont tendance à lui échapper. À mieux y regarder, si l’école travaille bien les relations entre élèves, il y a ici plutôt une opportunité qu’une difficulté. À travers la discussion entre élèves, l’intervention des grands frères ou celle des délégués, il est en effet possible de mobiliser l’humain pour réparer ce qui a été abîmé par l’intermédiaire des machines. En discutant des problèmes, en invitant à aller vers l’autre, en parlant pour soigner les mauvaises images, en faisant ensemble pour se rapprocher… les démarches proposées par l’école citoyenne ont un grand potentiel de réhabilitation face à l’exclusion ou au décrochage comportemental.
Écoles citoyennes