Cette fiche propose une analyse historique de Rachid Benzine concernant les extraits du Coran à propos du voile. Elle remet les discussions sur le voile dans le contexte de Médine au 7e siècle.
Rachid Benzine
Juin 2015
Commentaires de BrunoDerbaix
Dans cet article, Rachid Benzine aborde de manière historique les passages du Coran qui ont trait à l’habillement féminin en général, et au port du voile en particulier. Son propos n’est pas de dire ce que les musulmans doivent croire ou pas, ni de porter un jugement sur leurs choix vestimentaires. Plus modestement, le principe poursuivi est d’aborder les passages coraniques généralement mobilisés lorsque l’on parle du port du voile et de leur appliquer une méthode d’analyse historique. Pour chacun de ces extraits, M. Benzine revient donc sur le contexte de la révélation ainsi que sur différentes traductions possibles des extraits en question.
Il est important de préciser que le propos de Rachid Benzine ne fait pas référence aux hadiths relatifs aux vêtements. Son analyse se concentre sur le Coran, partant du principe que le contexte de mise par écrit des hadiths est celui du9e siècle (et non du 7e comme le Coran), et qu’il doit donc faire l’objet d’une seconde analyse historique.
Entant qu’enseignant, éducateur ou animateur, il est important de faire un usage« fin » de ce texte surtout si vous n’êtes pas vous-mêmes musulman. L’analyse montre que l’obligation du port du voile n’est pas de source coranique mais une interprétation ultérieure et contestable. De ce fait, est remise en question la position fortement ancrée parmi les communautés musulmanes, présentant le port du voile comme une pratique importante ou à tout le moins une manière vertueuse de se comporter en tant que femme. De ce fait, lorsque l’on fait lire ce texte à des musulmans, il est très important de se rendre compte que son contenu est identitairement sensible, et qu’il convient dès lors de le faire suivre de moments de partage et de débat, avec pour enjeu essentiel d’accueillir les émotions et réactions des jeunes.
Par ailleurs, il ne faudrait pas conclure de ce texte que porter le voile deviendrait une erreur pour une musulmane. D’une part le port du voile peut tout à fait être vu comme une manière culturelle de manifester la pudeur qui est une valeur fondamentale de l’islam (ce texte en est une nouvelle confirmation). D’autre part, pour être considérée comme religieuse, une pratique ne doit pas forcément remonter à l’origine de sa religion. Le célibat des prêtres par exemple est une pratique clairement catholique alors qu’elle n’a réellement été instituée que mille ans après la mort de Jésus.
Il faut replacer les passages coraniques dans la société de l'époque car il s'agit de choses concrètes qui sont en rapport avec la vie quotidienne dans les villes d'Arabie au 7e siècle.
Plus précisément on est à Médine, alors que Muhammad s'y trouve avec les médinois d'origine, ses partisans venus de La Mecque et des jeunes gens issus de diverses tribus (souvent d'origine nomade) venus le rejoindre. La plupart sont installés dans la ville, hébergés souvent par des clans médinois. Ceux qui n'ont pas trouvé où se loger, car ils n'ont pas d'alliés dans la ville ni de parents, sont logés dans la grande cour qui sert de quartier général à Muhammad, sous un auvent pour les protéger du soleil. On les appelle ahl al-suffa. Muhammad les invite régulièrement à manger.
Ce serait d'eux qu'il serait question dans le Coran 33, 53, extrait régulièrement utilisé pour justifier le voile. Cet extrait dit de « ne pas aller voir derrière le rideau », « hidjâb ». On a là le vrai sens du mot hidjâb. Il ne s'agit jamais dans le Coran d'un vêtement mais d'un rideau de séparation comme une cloison qui sépare en deux parties une maison à pièce unique. C'est d'ailleurs la même chose dans une tente. La partie avant est celle de la réception, la partie arrière séparée par un rideau est la partie privée.
Selonla sîra (Biographie du prophète), chaque épouse de Muhammad aurait eu une pièce à elle. Toutes ces pièces auraient été réparties autour de la grande cour avec au fond la suffa où se tenaient les jeunes hommes des tribus qui n'avaient pas de logement à Médine. Il faut rappeler la très grande simplicité de cet habitat. Les constructions sont de terre sans étage ;il n'y a probablement pas de porte, et donc pas de barrière qui empêcherait une intrusion. Ce n’est pas non plus un contexte de ségrégation des sexes, mais au contraire une grande mixité. Il fallait dès lors que les uns et les autres se respectent et se tiennent de manière décente. C'est la bonne conduite de chacun qui est recommandée.
Muhammad aurait invité différents hommes à manger chez l'une ou l'autre de ses épouses qui préparaient le repas et qui se tenaient donc derrière le rideau dans la partie privée. Mais les jeunes hommes venus du désert avaient l'habitude de plus de liberté dans les campements du désert avec les jeunes femmes des tribus nomades. La remontrance coranique tend à leur montrer que les règles citadines sont différentes de celles des campements. Il ne s'agit pas de comportements que l'islam aurait introduits, ce sont les règles de la politesse traditionnelles dans les milieux sédentaires qui sont rappelées et que l'on demande d'appliquer. Le Coran s'inscrit dans la socialité de son époque. Il n'invente pas une nouvelle socialité.
On peut donc chercher longtemps dans le Coran – sans jamais le trouver – le fameux hidjâb shar'î, le voile légal que l'on entend invoquer comme une obligation dans les discours de certains prêcheurs contemporains. Il y aura des évolutions dans les sociétés musulmanes postérieures qui s'autoriseront à vouloir imposer certaines règles (comme c'est le cas aujourd'hui). Ce que l'on peut dire c'est que ces règles sont instituées par la suite par des juristes ou différents idéologues. Elles ne sont pas coraniques. Un rideau n'est pas un vêtement. Ce sont des règles de bonne conduite citadine qui sont enseignées aux jeunes bédouins (pas des règles musulmanes).
L'origine de l'enfermement des femmes citadines n'est d’ailleurs pas non plus musulmane.C'est le gynécée des grecs (de gune la femme en grec ancien). Ce n'est donc pas le harem. A cet égard, le mot haram signifie simplement l'espace protégé, celui du lieu de résidence d'une famille, protégé contre toute intrusion dangereuse. Le mot harîm qui donnera harem en français désigne le groupe familial qui réside dans le haram donc dans l'espace protégé, l'équivalent aujourd'hui du domicile privé où on n'entre pas sans autorisation ni y être invité.
Quant au voile de tête on l'a toujours porté dans les pays du Proche et du Moyen-Orient sans que cela ait une connotation religieuse. On dit que, chez les assyriens, les femmes libres le portaient, contrairement aux esclaves et aux prostituées.Il y a presque quarante ans, dans la ville de Hama qui était considérée comme la plus traditionaliste de Syrie, les femmes de la ville, quelle que soit leur religion (musulmane ou chrétienne) portaient un même voile noir transparent(comme ici un voile de deuil). Les bédouines qui venaient de leurs campements circulaient en toute décontraction dans le marché en longues robes de coton coloré sans voile de tête. L'habit bédouin se distinguait de celui des citadines. Personne ne se posait de question sur cet habillement très différent selon l'origine sociale ni ne se demandait si l'un des habits était musulman ou ne l'était pas. La question ne se posait pas. Chaque catégorie portait l'habit traditionnel de son milieu
33,53 Ô vous qui vous êtes ralliés, n'entrez pas dans les pièces (des femmes) du prophète avant d'avoir été invités à venir y manger (n'entrez pas par avance)sans attendre (le moment du repas) ; quand on vous appelle à entrez alors(seulement) faites le ; dès que vous avez fini le repas, retirez vous sans vous laisser aller à rester bavarder (comme si vous étiez chez vous) ; cela offense le prophète il a honte de vous ; Allah n'a pas honte de ce qui est juste (vous indiquer la conduite à tenir) ; si vous leur (les femmes du prophète) demandez quelque objet , faites le (en restant de votre côté) du rideau de séparation(qui sépare la pièce en deux parties) ; cela est plus décent pour vous et pour elles ..."
Un autre passage 24, 27 : ne pas entrer chez quelqu'un (dans des demeures, buyût qui ne sont pas les vôtres) sans y avoir été invité.Une telle recommandation relève de la socialité ; elle n'a rien de spécifiquement musulman. Le bayt (racine BYT) est le lieu où on réside la nuit avec sa famille cela peut être une tente, une maison à une pièce ou une maison plus grande.
- Le hidjâb, terme dont parle cette première sourate, ne désigne pas dans le Coran un voile (au sens de « habit ») mais un rideau qui sépare à l’époque deux parties de la tente du prophète.
- Il s’agit bien d’un principe de pudeur, puisqu’il s’agit de séparer les femmes du prophète des jeunes bédouins venus du désert. Mais la pudeur est ici dans le comportement, pas dans l’habillement.
- Cette manière de séparer les hommes des femmes dans le logement n’est pas une originalité de l’islam. Sur certains points, l’islam est en rupture avec son temps : monothéisme vs polythéisme, droits des femmes, prière… Ici les sourates ne viennent que rappeler aux jeunes hommes les règles qui existaient déjà dans les villes (par opposition au désert).
- Le voile de tête existe certes déjà à l’époque du prophète. C’est une pratique typique du Proche-Orient, indépendamment des appartenances religieuses et souvent pour se protéger du soleil. A l’époque du prophète, ce voile de tête distingue essentiellement les appartenances sociales. Les filles de la ville le portent, les bédouines est les prostituées ne le portent pas. Cela n’apparaît pas comme une question de religion.
24, 31, khumur; 33, 59, djalâbîb ; 24, 60, thiyâb ;
Nous allons maintenant aborder un autre passage coranique régulièrement invoqué pour justifier le port du voile. Il s’agit de la sourate24, verset 31. Suivant la traduction qu’en a faite Hamidulah, voici comment les musulmans la comprennent fréquemment aujourd’hui.
«Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de LEURS ATOURS (ZINATAHUNNA) que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; et qu'elles ne montrent LEURS ATOURS(ZINATAHUNNA) qu'à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu'elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. Et qu'elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l'on sache ce qu'elles cachent deLEURS PARURES (ZINATIHINNA). Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès »
La question qui se pose est la traduction du terme Zīna : Atours ou parures ?
Les exégètes ont divergé sur la manière de comprendre le terme ZINA. Pour certains, le terme renvoie aux accessoires (parures) que la femme utilise pour mettre sa beauté en valeur, tels que les bijoux, le maquillage ou les vêtements. Pour d’autres cela inclut les attributs physiques de la femme — d’où la traduction par Hamidullah du terme par «atours». Dans sa traduction, étrangement, Hamidullah utilise les deux significations (atours et parures) pour un même terme.
La question de savoir si zîna désigne les "avantages physiques », les « formes corporelles » ou la parure (bijoux) est importante car on a utilisé ce passage pour dire qu'il fallait cacher tout le corps selon certains juristes sauf les mains (aujourd'hui on met même des gants). Nombre de traducteurs pensent qu'il s'agit des avantages physiques donc des formes corporelles. Mais, il y a un passage parallèle dans 24, 60 qui va DANS LE SENSDE LA PARURE plutôt que des formes corporelles puisque, dans ce deuxième passage, il est question des vieilles femmes qui peuvent abandonner l'habit traditionnel (nommées ici simplement thiyâb) des femmes en âge de procréer.
«Les femmes atteintes par la ménopause, al-qawâ'id, et qui n'espèrent plus mariage, nul grief qu'elles ne revêtent plus leurs habits (de femme mariée et susceptibles de procréer) sans se pavaner dans leur toilette, mutabarrijātinbi-zīnatin (c'est le sens précis et cela se rapporte indiscutablement à la parure, pas au corps) » (24,60)
Enfin dans le verset 31 lui-même, la parure renvoie aux anneaux de chevilles qui sont des bijoux – en principe pour les bédouines – en argent. On dit aussi « bracelets de cheville ». Ils sont d’ailleurs également nommés dans la Bible (les parures des filles de Sion, Isaie 3, 16, 18, 20 etc.)
Avant de revenir sur la traduction de ce verset (24, 31), attachons-nous quelques instants au contexte, notamment à travers la sourate qui précède (24, 30).
En effet, l’extrait « 24, 31 » est précédé par un appel à la retenue et à la décence d'abord pour les hommes :
24,30 -Dis aux hommes ralliés de baisser le regard (devant les femmes de ne pas regarder de manière provocante) et de se comporter de manière décente(littéralement cacher les parties intimes, hifz al-furûrdj). La même chose va être demandée aux femmes, ce qui suppose qu'ils se rencontrent dans l'espace public. Les femmes du prophète ne restent pas cloîtrées dans leur pièce unique; forcément, elles entrent et elles sortent.
Cet appel à la retenue et à la chasteté est régulier dans le Coran, pour les hommes comme pour les femmes. Ainsi les passages sur le hifz al-furûdj, 23, 5 ; 24,30, 31 ; 33, 35 ; 70, 29, s’adressent-ils aussi bien aux hommes qu’aux femmes, appelant à la chasteté et à la retenue (notamment au niveau du regard). Dans ce contexte, et au regard de ce qui précède, il semble plus opportun de traduire24,31 comme suit :
Dis aux ralliées de baisser le regard, d'être décentes (littéralement cacher les parties intimes, hifz al-furûrdj), de ne pas exhiber LEURS PARURES, sauf ce qui en paraît qu'elles rabattent leurs voiles de tête, khumur sur leur poitrine(djuyûb désigne l'espace entre les seins ) ; qu'elles ne MONTRENT LEUR PARURE qu'à leurs époux, leurs pères, les pères de leurs époux, leurs fils, les fils de leurs époux, leurs frères, les fils de leurs frères ou de leurs soeurs ou à leurs femmes ou à leurs esclaves ou à leurs serviteurs mâles énuques ou aux garçons qui ne sont pas en âge de comprendre la conformation des femmes ;qu'elles ne frappent pas le sol de leurs pieds pour montrer LEUR PARURE (les bracelets de cheville) ..
Il est important de préciser que le voile dont il est question dans ce passage n’est pas le hidjâb, mais bien le khimâr. Le khimâr c'est ce qui vient en surface et qui couvre par exemple l'écume du vin versé ; c'est aussi la végétation qui couvre la terre et le voile qui couvre la tête. Là encore c'est une pièce de vêtement traditionnelle ; dans un pays très chaud tout le monde se couvre la tête, les hommes comme les femmes. Ce n'est pas de la religion, c'est pour se protéger du soleil et ne pas attraper une insolation.
Les djuyûb, c'est le haut de la poitrine, à comprendre dans le sens « ne sortez pas dépoitraillées » (on peut penser au théâtre classique français,« cachez ce sein que je ne saurais voir »).
- Dans ce deuxième extrait, on ne parle pas du hidjâb, terme aujourd’hui utilisé en général pour désigner le voile musulman.
- Il y a un débat entre exégètes qui est ici important. Certains traducteurs traduisent « zina » par « atours », désignant par là que la femme doit cacher ses formes. D’autres estiment (comme Rachid Benzine) qu’il est plus cohérent de traduire le terme par « parure ». La différence est importante puisque, dans le premier cas, cela conduit à une notion très forte de la pudeur vestimentaire (il s’agit de cacher les formes). Dans le second cas, c’est de nouveau de pudeur comportementale dont il s’agit, mais dans une version moins « totale » : les femmes sont invitées à ne pas montrer les parures qu’elles portent au niveau du haut de la poitrine et des chevilles.
- De nouveau, le voile dont il est question dans ce passage n’est pas un terme spécifiquement religieux dans le sens où c’est quelque chose qui existe dans la société arabe de l’époque depuis longtemps, et non un élément nouveau apporté par l’islam. Il s’agit du khimâr, voile de tête traditionnel dans cette région du monde, utilisé pour se protéger du soleil.
Au terme de ces deux premiers points, la posture dite « habituelle »,soutenant que le voile est un comportement religieux auquel invite le Coran, apparaît loin d’être évidente. Il semble au contraire que les textes font référence essentiellement à un comportement, mais aussi à une tenue décente liée aux usages de l’époque. Il est intéressant de souligner que cette tenue décente peut s'opposer à celle des esclaves, voire des prostituées puisque la coutume sociale conduisait certains maîtres à prostituer leurs jeunes esclaves.
Ace niveau, il pourrait paraître étonnant que le Coran ne s’oppose pas à l’esclavage ou la prostitution. Et pourtant c’est le cas. Pour l’esclavage et la prostitution, comme pour d’autres thèmes comme la polygamie, le Coran n’est pas dans le registre de l’interdiction. Les Textes ne font rien pour s'opposer à la société qui les a vu naître. Tout au plus déconseillent-ils certains comportements.
Ainsi dans la Sourate 24, verset33 : « Ne contraignez pas vos jeunes filles à se prostituer si elles veulent rester chastes mais si vous le faites recherchant les biens de ce monde (pour votre profit) alors Allah leur pardonnera ».
Comme nous allons le voir dans le point suivant, c'est probablement pour que les femmes libres et épouses ne soient confondues avec des prostituées ou des esclaves quand elles sortent de chez elles qu'elles doivent porter la tenue de leur état social (et non pas une tenue musulmane). C’est un peu comparable avec la situation de la France du début du siècle par exemple, situation dans laquelle une bourgeoise ne sortait jamais de chez elle sans son chapeau et ses gants. La tenue vestimentaire marque dans les deux cas la positon sociale. C’est le passage de 33, 51.
La sourate 33, verset 59 s’exprime en effet comme suit : "ô prophète dis à tes épouses à tes filles et aux épouses de ceux qui sont ralliés de ramener sur elles (en s'enveloppant dedans) leurs grandes robes de dessus, jalâbîb (qui servent de manteau pour sortir de chez soi ; on le dit aussi des hommes) de façon à être reconnues et à ne pas être importunées".
Cette sourate exprime bien le fait que la position sociale des femmes se voit à leur tenue vestimentaire. Là encore il ne s'agit pas de revêtir un habit particulier; le djilbâb était l'habit de sortie des femmes de tribu de statut libre. S'attaquer à une de ces femmes entraînerait la réplique immédiate des hommes de sa famille. Donc pour éviter tout malentendu dans la société médinoise composite, les femmes sont invitées à se vêtir selon leur état social. Il n'y a pas non plus d'injonction religieuse dans cette recommandation. Pour la famille de Muhammad, c'était d'autant plus important que les femmes du prophète vivaient dans un milieu très masculin.
Enfin. dans la sourate 24, verset 60 comme on l’a vu plus haut il est question des femmes qui ne peuvent plus être mères car elles sont trop vieilles. Leurs déplacements sont plus libres ; elles peuvent adopter une tenue et un comportement qui ne sont pas celle de la femme mariée en âge de donner des fils à son époux ; il leur est cependant recommandé de ne pas en rajouter et de se montrer elles aussi décentes
- Le propos de l’auteur dans ces deux parties est de montrer que la question de l’habillement dans le Coran est indissociable du contexte social de l’époque. Les musulmans vivent dans une société où cohabitent des gens de la ville, des bédouins, des juifs, des esclaves. Dans ce cadre, et comme dans bien d’autres sociétés, l’habillement sert de marqueur social.
- Les conséquences de cette situation sont multiples. D’une part on peut se demander si, le contexte ayant changé, ces règles sont applicables telles quelles aujourd’hui. En effet, il n’y a plus aujourd’hui d’esclaves, et il est possible de se distinguer des prostituées sans pour autant s’habiller comme à l’époque.
- D’autre part, dans ce contexte, les passages du Coran qui concernent l’habillement des femmes n’apparaissent pas comme des règles fondamentales du Coran, mais comme des éléments relatifs au contexte de l’époque et aux différentes catégories (esclaves, prostituées, bédouines) de la population de Médine à l’époque.
CONCLUSION– un contexte, à la fois général (la société tribale) et particulier (la situation médinoise)
Ce n'est pas celui de l'islam mais les règles de la société citadine médinoise. Ces règles sont celle d'une société tribale citadine d'Arabie au 7e siècle dans le contexte d'un milieu tribal composite avec la coexistence dans un même lieu de fractions tribales qui viennent de l'extérieur (notamment des bédouins qui chez eux ont des règles différentes) et qui pourraient jeter le trouble dans la société et notamment dans les rapports hommes femmes qui sont différents chez eux. Le Coran ne fait que rappeler des règles sociales qui sont celles de cette époque et de cette société, dans cette situation particulière et exceptionnelle où il y a un brassage de populations tribales. Ce ne sont pas non plus des règles musulmanes inventées spécialement. Le Coran est dans une continuité sociale.